Ma résistance


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C'est avec les larmes aux yeux, le 23 Juin 1940, que nous avons appris ma famille et moi, par la voix du trop sinistre vieillard PETAIN, qu'un armistice était conclu avec le non moins sinistre HITLER.
L'appel du Général DE GAULLE avait jeté néanmoins l'espérance dans nos cœurs et c'est à la fin de 1940 que représenté par quelques amis, j'entrais dans la résistance.
J'étais un fervent militant syndicaliste et, c'est à ce titre, je crois, que l'on m'accorda confiance: j'en suis doublement heureux.

Une grande joie s'empara de moi à la pensée que j'étais un combattant J'en fis part à ma famille et me mis aussitôt au travail avec une ardeur décuplée. Celui-ci consistait à découvrir des camarades sérieux sur qui l'on puisse compter plus tard et à faire circuler les quelques journaux "COMBAT" que 1'on me procurait.
Pendant les années I941 et 1942, je continuais donc d'assurer mes modestes fonctions. Les journaux clandestins que je recevais étaient plus nombreux, pas assez cependant pour satisfaire les nombreux amis qui venaient grossir nos rangs.
Le mouvement de Résistance vivait et prenait de l'extension. J'avais eu durant cette période, 1'honneur de connaître les Chefs principaux du Département, c'était un secret professionnel et j'étais infiniment heureux de cette marque de confiance. J'ai donc connu " ROCQ, MARSAC, PARY ".
L'arrestation des deux militants "ROCQ Père & Fils" en juillet 1942 vint troubler notre travail. Je fus sollicité par "MARSAC" pour les remplacer. Je devenais désormais ce que j'appellerais un dépositaire : Je recevais les journaux et les distribuais. De plus, ma maison devenait "Boîte aux lettres" et mon premier nom de guerre fût "PONS".
J'assurais la liaison avec les principaux Résistants, ce dont mes Fils se chargeaient; en particulier mon aîné "PETRARQUE". Ma famille était tenue au courant de mon travail et faisait de son mieux pour ce rendre utile.
Au début d'Avril 1943, une note parmi tant d'autres vint jeter l'alarme, à onze heures du soir, elle annonçait une perquisition de la police chez "MARSAC" pour le lendemain. L'intéressé est aussitôt prévenu dans la nuit du Vendredi au Samedi et prépare son départ avec celui de sa courageuse jeune femme. Ils échappaient ainsi, de justesse, à leur arrestation.
Le lundi suivant cinq arrestations sont opérées. Ma femme et mon fils aîné sont du nombre. Il s'agit de l'A.S. (Armée Secrète).C'est la Brigade de Toulouse qui se charge de l'enquête. Je lui rends hommage, ainsi qu'à monsieur ......... d'Albi, qui très sympathisant falsifie certains papiers. De ce fait les arrestations ne furent pas maintenues. Nous sûmes que c'était deux jeunes gens qui nous avaient dénoncés, espérant ainsi se soustraire à un autre délit dont ils étaient inculpés. Ces événements précipités jetèrent un peu de perturbation dans notre organisation.
Le Comité Directoire Départemental était alors composé de " Mary, Marsac, Carbo, et de Pons ", votre serviteur.
Au mois de Mai, 1e Régional "THIERY" vint me solliciter pour être Chef Départemental de "Combat". J'acceptais ce supplément de travail pour la bonne cause. Je m'appelai s dès lors "CEZERAC".
Ma première préoccupation fat de réorganiser l'A. S. dans 1' Albigeois avec l'appui de "GREGOIRE" et de "BILLEMUR" deux hommes d'un dévoue ment exemplaire pour 1'A.S. Je m'appelais "DUBOIS".
Je réorganisais et créais des Centres pour le département, notamment SAINT JUERY, ALBI, SAINT SULPICE, SALVAGNAC, LISLE S/TARN, VALENCE d'ALBI, LESCURE, ALBAN etc…, RABASTENS, qui grâce au dévouement de "GABY" et "RENE" devint plus tard un maquis important.
L'aide que je trouvais me fut très précieuse. Notre organisation prospérait de jour en jour. A la demande du COMITE d'ALGER, l'Unité des Trois Grandes Organisations: "LIBERATION, FRANCS-TIREURS et COMBAT se réalisa sous le nom de "M.U.R." Le Comité Départemental Directoire composé de "MARY, CARBON, ROGER et CEZERAC" détermina le travail de chacun. Pour ma part, je devais assurer la propagande et m'occuper du C.O.P.A., des faux papiers, Chef d'arrondissement A. S. de 1'Albigeois, et du courrier. "PETRARQUE" mon Fils s'occupait de ce dernier et des faux papiers.
Quelques faits en voici :
Soustraction de trois ballots de pansements à l'Hôpital Complémentaire de Gaillac avec la complicité d'un Ami, pansements qui furent transportés à RABASTENS.
Evasion de six détenus à la prison d'Albi, fuyant avec leur gardien, évasion répétée au Camp de Saint Sulpice, grâce au subterfuge de faux télégrammes Officiels.
Libération prématurée de deux femmes à la prison de Gaillac, et d'un interné de Saint Sulpice.
Censure du courrier adressé à la Kommandantur grâce à mes Fils. De nombreuses cartes d'identité et de faux papiers furent Etablis par "PETRARQUE".
Premier parachutage aux abords de PARIS et en décembre 1943, notre activité n'avait plus de borne. Nous approchions du but, nous serions fins prêts, pour porter mains fortes aux alliés.

Sur dénonciation, je fus arrêté le premier Mars 1944 à Gaillac, je dus donc abandonner mon travail, ma famille, mes Amis et dix minutes après sur la camionnette qui devait m'emporter à TOULOUSE, pieds et mains liés, je faisais connaissance avec les premières tortures. Le lendemain, l'interrogatoire devait être plus dur encore. On me pendit par les poignets liés derrière le dos et le nerf de bœuf essayait de me faire sortir de mon mutisme, il n'y parvint jamais. En désespoir de cause, on coupa la corde et je m'affalais face contre terre. Une brute frappait toujours. On me fit signer le rapport écrit en Allemand et l'on me conduisit dans une cellule Celle-ci était tellement basse que je ne pouvais pas m'y tenir debout, le cinquième jour on me transféra dans un autre cachot avec une douzaine d'autres détenus. Le 27 Mars fut 1e jour de notre départ pour COMPIEGNE. Nous y demeurâmes vingt six jours.
Dans la prison SAINT M'ICHEL à TOULOUSE, de bien triste mémoire, comme à COMPIEGNE, on y mourrait littéralement de faim. Quelques douceurs apportées par la Croix Bouge améliorèrent notre maigre ordinaire dans ce dernier camp.

Puis ce fût le départ et 1e voyage vers les bagnes nazis : Cent par wagon, pas de nourriture s, encore moins de breuvages, et une soif une terrible soif ! Certains buvaient leur urine, ou léchaient les ferrures pour se rafraîchir. Au bout de quatre jours et trois nuits de ce martyr, nous arrivâmes à AUCHWITZ (Haute Silésie) à neuf heures, on nous fit descendre à 18 Heures. On comptait alors dans notre wagon trois morts et trois fous. Ces derniers furent abattus à leur descente par les S.S.
Nous fûmes ensuite dirigés au Camp d'extermination Juif de BIRKENAU. Après les formalités d'usage nous dûmes demeurer, une journée, entièrement nus pour 1' immatriculation, tatouage sur le bras gauche, on nous rasa de pied en cap et puis l'on nous fit prendre une douche. Nous sommes restés quatre jours, neuf cent dans une baraque, alors qu'elle n'était prévue que pour la moitié. Nous couchions à aime la terre, marécageuse dans cette région.
Nous fûmes ensuite dirigés au camp de travail. J'appartenais dès lors au Kommando Strassenban (Constructions de route) mon travail consistait à casser des cailloux ou à creuser des fossés. On nous frappait sauvagement, sans raison, un jour je reçus sans savoir pourquoi, soixante quatre coups de canne; j'avais les reins et le bas du dos en sang. Je suis resté dans ce camp du 30 Avril 1944 au 27 Janvier 1945. L'hiver fût très rade, la température était dans ces régions entre moins 30 et 35°. Le camp proprement dit possédait quatre fours crématoires et deux grandes fosses qui les reliaient. Le soir à l'appel qui durait plusieurs heures et par n'importe quel temps devant ces tristes constructions les S. S. nous répétaient cette phrase désormais mais célèbre "N'oubliez jamais que vous n'êtes que des matricules et que vous êtes dans un camp d'extermination". Chaque four brûlait en moyenne 4.000 à 4.500 déportés Juifs par jour, avec les fosses on est arrivé à atteindre le chiffre incroyable de 36.000 en 24 heures. Les victimes arrivaient en convois 90 % étaient brûlés dès leur descente du train, les10 % étaient destinés à alimenter les fours dans les périodes creuses, elles étaient rares.
Les sacrifiés devaient aller aux douches. En effet, la salle, qui contenait environ 1.800 personnes, était aménagée pour cela : Paille, bois, jets, rien n'y manquait ! Les fenêtres étaient hermétiquement fermées de l'extérieur.
Une recommandation avant la fameuse douche : "Mettez-vous bien sous les pommes !"
Hélas la mort arrivait bientôt, ce n'était pas de l'eau, mais du gaz qui se répandait dans la salle.
Les S. S. rentraient alors pour s'emparer soit des bagues, des colliers ou des dentiers en or. Puis notre tour venait de pénétrer dans la "Chambre de la mort". Un spectacle horrible se présentait à nos yeux, les corps enchevêtrés, de mamans étreignant leurs enfants. On chargeait ces cadavres par 17 ou 20 sur des wagonnets et on les emmenait aux fours ou dans les fosses garnies de bûches de pin arrosées de mazout, cependant que la triste salle était minutieusement nettoyée et même parfumée, prête à recueillir d'autres déportés.
Ce cauchemar prit fin le 27 Janvier 1945 par l'arrivée des troupes Russes, qui nous nourrirent, qui nous traitèrent du mieux qu'ils purent. Je revins chez moi le 2 mai, heureux de retrouver ma famille, et d'avoir miraculeusement échappé à la mort.



Germain LAUR.
(Matricule 185856)



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